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"Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa",


Admiré ou critiqué, le général était un formidable stratège, maîtrisant parfaitement les techniques de communication. Décryptage de cette prise de parole en situation de crise.

Stratège hors pair, surnommé par Victor Hugo « l'homme prédestiné », Napoléon Bonaparte est un personnage-clé de l'Histoire de France. Admiré ou critiqué, l'Empereur était également un formidable meneur d'hommes grâce notamment à sa maîtrise parfaite des techniques de communication. Le décryptage journalistique de ce tableau d'Antoine-Jean Gros datant de 1804 et commandé par Bonaparte pour le représenter lors d’un épisode tragique de la campagne d’Egypte, en est une parfaite illustration.

Le contexte :

La mise à sac par l'armée française de Jaffa (3 000 prisonniers ottomans exécutés), est rapidement suivie par une violente épidémie de peste bubonique, qui va décimer l'armée française. Incapable de rapatrier ses hommes invalides, Bonaparte ordonne à Desgenettes de leurs administrer une dose mortelle de laudanum. Ce dernier refuse. Mais l’ordre est appliqué par le pharmacien en chef de l’armée. Une trentaine de soldats sont empoisonnés, d’autres abandonnés au Mont Carmel. En commandant cette toile à Antoine-Jean Gros, Bonaparte devenu premier consul et de retour en France, souhaite qu’elle contribue à le laver de ces accusations auprès de la population.

Le tableau :

Il représente le général Bonaparte visitant les pestiférés de l'armée française rassemblés dans la cour d'une mosquée qui sert d'hôpital militaire. En pleine lumière, Bonaparte touche la tumeur d'un des malades torse nu, de sa main dégantée, tandis qu'un médecin veut l'en dissuader et qu'un officier se bouche le nez. À gauche, deux Arabes distribuent des pains aux malades. Sur la droite, un soldat aveugle essaie de s'approcher du général en chef. Au premier plan, dans l'ombre, des malades agonisent et n'ont même plus la force de se tourner vers Bonaparte.

Décryptage journalistique :

Résolument classique dans sa forme (la scène se déroule devant un décor frontal d’arcades qui rappelle celui du "Serment des Horaces de David"), ce tableau reprend en « toile de fond » toutes les techniques de communication journalistique, afin d’imposer au grand public, une vision nécessairement positive de son futur Empereur, alors même qu’il se trouve en pleine crise médiatique.


  • Message Essentiel
: Il est symbolisé par la main tendue de Bonaparte. Par ce geste unique (le même que celui du Christ guérissant les lépreux dans la peinture religieuse), le peintre donne du sens à cette scène chaotique. Et veut signifier que la vertu et le courage de Bonaparte peuvent justifier toutes les horreurs de la guerre.

  • Actualité
: Elle est marquée par l’explosion au sommet des remparts surplombant la scène. Il s’agit d’ancrer le « Message » dans le temps et la réalité. Mais également dans un contexte bien particulier : celui d’un conflit armé. Cette crise est saisie comme une opportunité pour mettre en relief la démarche humaniste de Bonaparte, renforçant ainsi son leadership vis-à-vis de ses hommes.

  • Angle :
C’est notamment le regard porté par l'un des arabes distribuant du pain, sur le geste de Bonaparte. Futur empereur, son « Message » unique et universel doit être compréhensible par tous. Et pouvoir rassembler en s’adaptant à tous les « points de vue ». Mais c'est surtout les dimensions hors du commun de ce media de masse (5,23 m de haut pour 7,15 m de long), qui révèlent la cible privilégiée de cette toile présentée. Il s'agit de convaincre les citoyens (le grand public), quelques mois avant le sacre de l'Empereur.

  • Loi de proximité
: Indispensable pour sensibiliser une population située à des milliers de kilomètres de l’événement, la loi de proximité est incarnée par cette rangée d'hommes de l'armée française agonisants au premier plan. Débordant du cadre, ces corps dénudés et suppliciés plongent littéralement le spectateur dans l'horreur, afin de mieux sublimer le geste du sauveur.

  • Attitude non verbale
: Pied de nez, ou acte inconscient d'un peintre vis-à-vis de son mécène tout puissant : les bottes de Bonaparte sont orientées à l'opposé des pestiférés. La représentation de cette attitude non-verbale classique indique au spectateur averti, que contrairement à tout ce que cette mise en scène s'applique à démontrer, le futur Empereur ne désire qu’une chose : partir au plus vite…
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